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L'Île de la Réunion: un coin du Parnasse
L'Île de la Réunion: un coin du Parnasse
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12 décembre 2013

En quoi a contribué la Réunion à l'enrichissement de la littérature francophone?

Ramassée dans les décombres du colonialisme, la langue française est devenue le véhicule d'imaginaires sur lesquels le soleil ne se couche jamais. A ce groupe appartient l'île de la Réunion, la quelle, avec madagascar et l'île Maurice constituent l'arhipel singulier de la littérature francophone.

Leconte de Lisle (1818-1894)

 

 

187px-Leconte_de_LisleLeconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça à l’action politique et se consacra entièrement à la poésie. Il est considéré comme le chef de file du mouvement parnassien. Le Parnasse a pour but l'art pour l'art, la création de beauté, à travers l'antiquité et l'exotisme, en rejetant l'engagement politique ou social. La Réunion était le lieu idéal pour exprimer ces ambitions. Voici deux poèmes qui exposent l'influence de l'île Réunion sur l'oeuvre de Leconte de Lisle.

                    Le Bernica (Poèmes Barbares)

 

 Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes,
Il est un lieu sauvage, au rêve hospitalier, 
Qui, dès le premier jour, n'a connu que peu d'hôtes ;
Le bruit n'y monte pas de la mer sur les côtes,
Ni la rumeur de l'homme : on y peut oublier.

La liane y suspend dans l'air ses belles cloches
Où les frelons, gorgés de miel, dorment blottis ;
Un rideau d'aloès en défend les approches ;
Et l'eau vive qui germe aux fissures des roches
Y fait tinter l'écho de son clair cliquetis.

Quand l'aube jette aux monts sa rose bandelette,
Cet étroit paradis, parfumé de verdeurs,
Au-devant du soleil comme une cassolette,
Enroule autour des pics la brume violette
Qui, par frais tourbillons, sort de ses profondeurs.

Si Midi, du ciel pur, verse sa lave blanche,
Au travers des massifs il n'en laisse pleuvoir
Que des éclats légers qui vont, de branche en branche, 
Fluides diamants que l'une à l'autre épanche,
De leurs taches de feu semer le gazon noir.

Parfois, hors des fourrés, les oreilles ouvertes,
L'œil au guet, le col droit, et la rosée au flanc,
Un cabri voyageur, en quelques bonds alertes,
Vient boire aux cavités pleines de feuilles vertes,
Les quatre pieds posés sur un caillou tremblant.

Tout un essaim d'oiseaux fourmille, vole et rôde
De l'arbre aux rocs moussus, et des herbes aux fleurs :
Ceux-ci trempent dans l'eau leur poitrail d'émeraude ;
Se lustrent d'un bec frêle aux bords des nids siffleurs.

Ce sont des chœurs soudains, des chansons infinies,
Un long gazouillement d'appels joyeux mêlé,
Ou des plaintes d'amour à des rires unies ;
Et si douces, pourtant, flottent ces harmonies,
Que le repos de l'air n'en est jamais troublé.

Mais l'âme s'en pénètre : elle se plonge, entière,
Dans l'heureuse beauté de ce monde charmant ;
Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière ;
Elle revêt ta robe, ô pureté première !
Et se repose en Dieu silencieusement.

 

 La Mer

La mer est grise, calme, immense, 
L'œil vainement en fait le tour. 
Rien ne finit, rien ne commence : 
Ce n'est ni la nuit ni le jour. 
Point de lame à frange d'écume, 
Point d'étoiles au fond de l'air. 
Rien ne s'éteint rien ne s'allume : 
L'espace n'est ni noir ni clair. 

Albatros, pétrels aux cris rudes, 
Marsouins, souffleurs, tout a fui. 
Sur les tranquilles solitudes 
Plane un vague et profond ennui. 

Nulle rumeur, pas une haleine, 
La lourde coque au lent roulis 
Hors de l'eau terne montre à peine 
Le cuivre de ses flancs polis ; 

Et le long des cages à poules, 
Les hommes de quart, sans rien voir, 
Regardent en songeant , les houles 
Monter, descendre et se mouvoir. 

Mais, vers l'Est, une lueur blanche, 
Comme une cendre, un vol léger 
Qui par nappes fines s'épanche, 
De l'horizon semble émerger. 

Elle nage, pleut, se disperse, 
S'épanouit de toutes parts, 
Tourbillonne, retombe et verse 
Son diaphane et doux brouillard. 

Un feu pâle luit et déferle 
La mer frémit, s'ouvre un moment, 
Et dans le ciel couleur de perle 
La lune monte doucement. 

475px-Étienne_Carjat,_Portrait_of_Charles_Baudelaire,_circa_1862

Charles Baudelaire (1821- 1867)

Critique d'art et de musique, traducteur d'Edgar Allan Poe, représentant du Symbolisme, Baudelaire 

Les poèmes suivantes, pleins d'éxotisme, et désirs de liberté nous donnent une autre vision de la Réunion, celle de Charles Baudelaire.est d'abord "le premier Voyant, roi des poètes", selon Rimbaud. Malgré des études brillantes, il est exclu du lycée, à cause de la solitude et le regret de sa famille. Sa vie de dandy est désespérante, et sa famille l'envoie à l'île Maurice et à la Réunion entre 1841 et 1842. Ces voyages peuvent expliquer son goût de l'exotisme et son amour pour "la Venus Noire", Jeanne Duval. 

À une Dame créole

Au pays parfumé que le soleil caresse,
J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés
Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d'orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l'abri des ombreuses retraites
Germer mille sonnets dans le coeur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.

— Charles Baudelaire

À une Malabaraise

Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est large à faire envie à la plus belle blanche;
À l'artiste pensif ton corps est doux et cher;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.
Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,

D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus,
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.

Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
Oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars!

— Charles Baudelaire

La Belle Dorothée (XXV) - Petits poèmes en prose.

 Le soleil accable la ville de sa lumiere droite et terrible; le sable est éblouissant et la mer miroite Le monde stupéfié s'affaisse lâchement et fait la sieste, une sieste qui est une espece de mort savoureuse ou le dormeur, a demi éveillé, gouté les voluptés de son anéantissement. 
Cependant Dorothée, forte et fiere comme le soleil, s'avance dans la rue déserte, seule vivante a cette heure sous l'immense azur, et faisant sur la lumiere une tache éclatante et noire. 
Elle s'avance, balançant mollement son torse si mince sur ses hanches si larges. Sa robe de soie collante, d'un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténebres de sa peau et moule exactement sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue. 
Son ombrelle rouge, tamisant la lumiere, projette sur son visage sombre le fard sanglant de ses reflets. 
Le poids de son énorme chevelure presque bleue tire en arriere sa tete délicate et lui donne un air triomphant et paresseux. De lourdes pendeloques gazouillent secretement a ses mignonnes oreilles. 
De temps en temps la brise de mer souleve par le coin sa jupe flottante et montre sa jambe luisante et superbe; et son pied, pareil aux pieds des déesses de marbre que l'Europe enferme dans ses musées, imprime fidelement sa forme sur le sable fin. Car Dorothée est si prodigieusement coquette, que le plaisir d'etre admirée l'emporte chez elle sur l'orgueil de l'affranchie, et, bien qu'elle soit libre, elle marche sans souliers. 
Elle s'avance ainsi, harmonieusement, heureuse de vivre et souriant d'un blanc sourire, comme si elle apercevait au loin dans l'espace un miroir reflétant sa démarche et sa beauté. 
A l'heure ou les chiens eux-memes gémissent de douleur sous le soleil qui les mord, quel puissant motif fait donc aller ainsi la paresseuse Dorothée, belle et froide comme le bronze? 
Pourquoi a-t-elle quitté sa petite case si coquettement arrangée, dont les fleurs et les nattes font a si peu de frais un parfait boudoir, ou elle prend tant de plaisir a se peigner, a fumer, a se faire éventer ou a se regarder dans le miroir de ses grands éventails de plumes, pendant que la mer, qui bat la plage a cent pas de la, fait a ses reveries indécises un puissant et monotone accompagnement, et que la marmite de fer, ou cuit un ragout de crabes au riz et au safran; lui envoie, du fond de la cour, ses parfums excitants? 
Peut-etre a-t-elle un rendez-vous avec quelque jeune officier qui, sur des plages lointaines, a entendu parler par ses camarades de la célebre Dorothée. Infailliblement elle le priera, la simple créature, de lui décrire le bal de l'Opéra, et lui demandera si on peut y aller pieds nus, comme aux danses du dimanche, ou les vieilles Cafrines elles-memes deviennent ivres et furieuses de joie; et puis encore si les belles dames de Paris sont toutes plus belles qu'elle. 
Dorothée est admirée et choyée de tous, et elle serait parfaitement heureuse si elle n'était obligée d'entasser piastre sur piastre pour racheter sa petite soeur qui a bien onze ans, et qui est déja mure, et si belle! Elle réussira sans doute, la bonne Dorothée; le maître de l'enfant est si avare, trop avare pour comprendre une autre beauté que celle des écus! 

 

Écrivains importantes de l'île de la Réunion sont le poète Boris Galameya, ou les romanciers Axel Gauvin et Jean Lods. La littérature réunionnaise se tient entre deux pôles: porler l'île ou parler de l'île

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